L'Histoire des moines et des monastères

une petite précision : le moine (ou la moniale) est celui qui vit cloîtré dans un monastère, sans en sortir autrement qu'exceptionnellement. Les ordres religieux plus récents, comme les ordres mendiants, ont une vie de prédications (donc hors clôture) et leurs membres sont des religieux et non des moines, même s'ils ont une robe de bure (l'habit ne fait pas le moine).

La naissance du monachisme chrétien

Les premiers moines sont des ermites (anachorètes) au milieu du IIIème siècle. Le phénomène prend de l'ampleur au siècle suivant. C'est en quelque sorte la paix religieuse (toute relative encore) qui le provoque. Jusqu'à présent, les chrétiens étaient peu nombreux et risquaient le martyre. Le relâchement qui s'ensuit pousse naturellement certains à rechercher une autre forme de don absolu. Antoine (250-356 connu pour ses tentations qui ont inspiré nombre d'artistes) s'est retiré dans les environs de Thèbes (Egypte) bientôt suivi par de nombreux disciples ; sa vie a été rapidement connue grâce à l'évêque Athanase qui l'a rédigée (370). Les apophtegmes (ou propos spirituels) des moines Hilarion et Macaire sont très vite popularisés aussi (grâce à Saint Jérôme). Ces ermites de plus en plus nombreux vont commencer à partager des repas ou des offices (on passe de l'érémitisme au cénobitisme). La première règle de vie communautaire est attribuée à Saint Pacôme (mort en 346) : autour de l'obéissance au supérieur. C'est Saint Cassien (de Marseille) qui contribue à l'introduction du monachisme oriental en occident. Le monachisme féminin a suivi de peu (Marie, soeur de Pacôme fonde une communauté en 340).

Basile, évêque de Césarée (330-379) développe la vie monastique en cappadoce.

Jérôme (345-419, docteur de l'Église, célèbre traducteur de la Bible en latin-la Vulgate) a été moine deux ans en Syrie, il devient collaborateur du pape Damase I auprès duquel il promeut le monachisme, puis il fonde des communautés à Bethléem dont il développe la culture biblique.

Martin (mort en 397), évêque de Tours et ancien moine, va fonder de nombreux monastères en Gaule.

Le rôle central de Saint Benoît

Benoît de Nursie fonde son monastère vers 530 et rédige sa règle monastique vers 530-550, il y fait preuve d'une grande compréhension de la psychologie humaine. Le pape Grégoire le Grand fera connaître sa vie et sa règle vers 600. Benoît d'Aniane propage les abbayes bénédictines dans toute l'Europe avec l'appui de Charlemagne qui y voit un moyen de pacifier et d'unifier son territoire pour en faire un nouvel empire d'occident. En 817, Louis le pieux décide que tous les monastères d'occident suivront cette règle.

La règle : parvenir à la sainteté en laissant la grâce de Dieu agir progressivement en soi : le silence pour laisser Dieu parler, l'obéissance au supérieur, l'humilité, la pauvreté, la charité. Partage du temps entre prière (notamment d'intercession et d'action de grâces), travail manuel conçu comme une ascèse, méditation biblique. Toute la règle est marquée par la mesure et l'équilibre.

Les monastères ont été des foyers de culture et de civilisation. Ce sont notamment les copistes qui permettent de conserver certaines oeuvres. Des oeuvres profanes sont également copiées à l'usage de l'apprentissage du latin. Ils produisent également des vies de saints, de l'exégèse et de la poésie.

Cluny (fondé en 909)

Le modèle clunisien va s'imposer en Europe et Cluny compte 800 dépendances en 1100. Il est l'héritier et le propagateur de la règle de Saint Benoît. L'abbaye a la basilique la plus grande de la chrétienté (sera vendue aux enchères et démolie à la révolution (1810).) avec des reliques de Pierre et Paul. Le pape Urbain II est un clunisien. Le réseau d'abbayes rattachées à Cluny est immense (800 en 1100). Cluny est un immense asile ouvert à tous. c'est aussi une abbaye profondément ancrée dans le système féodal avec de nombreuses terres et dépendances.

Les cisterciens

au XIème siècle, un groupe de moines (guidés par Saint Robert) fonde le monastère de Cîteaux. Cette fondation s'insère dans un mouvement plus global de retour à la vie évangélique par l'érémitisme et l'ascèse (voir Saint Bruno et la chartreuse, Saint Norbert et les prémontrés). Le choix est ici fait de s'isoler dans un endroit désert et de pratiquer la règle pure et dure de Saint Benoît, y compris le silence. Les moines y vivent dans une grande pauvreté, avec les seuls revenus de leur travail et aucun soutien seigneurial. Même le mobilier de la chapelle est dépouillé. C'est l'arrivée de Saint Bernard (qui deviendra le grand théologien que l'on connaît) qui va donner un véritable élan à ce lieu. Déjà le nombre les force à essaimer vers quatre autres maisons et Bernard devient abbé de Clairvaux (près de Troyes), ces autres maisons vont encore essaimer et le nouvel ordre a 30 monastères en 1133. Etienne Harding, fédérateur de l'ordre écrit la règle de filiation qui unit les maisons vers 1113 avec l'approbation du pape Callixte.

On a attribué aux cisterciens une sorte de règle de chevalerie adaptée à la vie monastique : beaucoup de nobles (les religieux issus de la paysannerie devenant des frères convers), prouesses d'ascétisme, dévotion à la Dame Marie. Clairvaux hébergera en 1200 deux cent moines et trois cent frères convers. Le style architectural cistercien est emprunt de sobriété et de spiritualité, avec un sens sacré de l'esthétique.

En 1200 déjà 530 maisons. Les cisterciens marquent le XIIème siècle comme un modèle parfait de vie évangélique. Leur détachement du monde et du pouvoir les amènera souvent à jouer un rôle d'arbitrage reconnu : Saint Bernard défend l'unité de l'Église lors du schisme de 1130 (2 papes), exalte la primauté romaine, exhorte le clergé séculier de médiocres moeurs, défend l'unité de la foi contre Abélard, prêche la croisade, aide l'ordre du temple à se donner des statuts. L'ordre fournira également plus d'une centaine d'évêques et un pape Eugène III. Ils vont participer à la lutte contre les cathares et les vaudois.

Mais les entorses à la pureté primitive de la règle se multiplient, le prestige des cisterciens décroît au profit des ordres mendiants (dominicains et franciscains). L'ordre sera réformé par Rancé au XVIIème siècle (personnage mis en valeur romantiquement par Chateaubriand en 1844) et redeviendra un intense foyer de vie spirituelle.

Le concile de Trente rappelle le strict respect de la règle de Saint Benoît et les moastères bénédictins, clunisiens et cisterciens sont réformés. La réforme a été la cause d'une crise profonde (pour les protestants, le monachisme n'a pas de sens) dans les monastères et il y a eu des pillages et des désertions massives.

Les trappistes ont pour fondateur Armand de Rancé (1626-1700) ecclésiastique mondain qui connaît une crise radicale qui débouche sur l'abandon de tout pour la vie cistercienne (à la Trappe à Soligny). Il soumet son abbaye à une règle austère et fonde l'ordre des cisterciens réformés en 1664.

La révolution portera un coup très dur aux monastères. En 1810, Cluny est vendue et démontée pierre par pierre par un entrepreneur. Les persécutions dureront jusqu'à la première guerre mondiale avec notamment la loi de 1901 (plus connue pour le droit des associations bénévoles) qui soumet la formation de communautés religieuses à une autorisation d'état qu'elles n'obtiendront pas.

21 février 2000retour index