Avertissement : il est difficile de prétendre faire oeuvre historique en traçant les grandes lignes d'un pontificat qui vient de s'achever, qu'on veuille bien nous pardonner, l'histoire tranchera, cela n'empêche pas d'essayer de démêler quelques fils.
Originaire d'une église qui a été
confrontée au marxisme dans toute sa violence et qui n'a pas fléchi,
il commence son pontificat en sachant que le marxisme a cessé d'apporter
une espérance et qu'il est en train de mourir. Il apporte un soutien
particulier à son compatriote Lech Walesa et au syndicat Solidarnosc
contre le régime communiste. Cette lutte, il la paiera par un attentat
en 1981 qui lui enlèvera une bonne part de sa force physique impressionnante.
Il se met au service des droites de l'homme, dénonçant aussi bien l'oppression totalitaire que l'embargo américain sur Cuba.
Ses encycliques sociales (laborem exercens (81) ; sollicitudo rei socialis (91) et centesimus annus (91)) sont nourries de ses expériences aux quatre coins du monde, avec une critique saine, aussi bien du marxisme que du capitalisme. Jean-Paul II a fait avancer la doctrine sociale de l'Église plus qu'aucun pape avant lui.
Jean-Paul II a fait plusieurs fois le tour de la planète ; défiant parfois la logique ou la prudence. Il annonce une seconde évangélisation, qui doit s'opérer à la fois dans la chrétienté déchristianisée et dans le monde encore peu touché par le christianisme (mais en annonçant la personne de Jésus et non notre culture).
Des 90 voyages internationaux de Jean-Paul II, il en est peu qui furent anodins. Son premier voyage en 1979 fut dans un Mexique anticlérical (au point que les évêques durent l'accueillir en tenue civile) et le départ d'une libération pour l'Église mexicaine. Il n'a reculé devant rien, ni devant les dictatures, dont il a forcé le respect, ni devant les pressions anticléricales (comme en France, oeuvre d'une minorité tonitruante), ni devant le souci de la Curie romaine qui lui rappelle son épuisement, ni devant les risques politiques comme lors du pèlerinage en Israël/Jordanie/Palestine. Ce pape a quelque chose de St François Xavier, évangélisant les territoires d'Asie jusqu'à tomber d'épuisement. Il manifeste encore une liberté supplémentaire lors de son voyage à Jérusalem, sa liberté intérieure, puisqu'il manifeste son désir de s'y plonger dans la prière. Il y réalise également des pas étonnants vers les communautés juives et musulmanes. Il manifeste effectivement partout où il passe sa volonté d'être artisan de paix, ce qu'il réalise effectivement quand il passe malgré l'incrédulité de tous. Pour m'être trouvé plusieurs fois sur son chemin en France et en Pologne, je réalise malgré mon peu de sensibilité spirituelle, l'extraordinaire mouvement d'âmes que suscite son passage.
Jean Paul II appartient à un courant philosophique personnaliste. Le personnalisme est une vision de l'homme surtout développée par Mounier dans les années 30 en réaction contre les données modernes que sont l'individualisme, le collectivisme et le totalitarisme. Il affirme l'originalité et l'intimité du sujet, appelé à suivre l'exemple du héros et du saint, en insistant sur la dimension collégiale de la personne dans sa vocation communautaire (au sens large). Sa dernière encyclique (sept 98) vise à réconcilier foi et raison.
Jean Paul II était présent à Vatican II et il est profondément dans l'Esprit du concile. Tout d'abord par son sens de la collégialité épiscopale (mise en valeur au concile) : en témoignent les nombreux synodes d'évêques qu'il convoque. Il est aussi attentif à définir une barrière entre ce qui doit rester immuable dans l'Église (l'annonce du salut et la morale qui en découle pour ceux qui suivent le Christ) et l'adaptation nécessaire au monde.
On retrouve deux citations du concile comme un leitmotiv dans tous ses écrits :
Il importait de donner à l'Eglise de Vatican II un droit canon (1989) et un catéchisme (1992) qui en soient inspirés.
Étant slave, il est imprégné de culture catholique et orthodoxe et il s'efforce de multiplier les contacts, notamment sur le terrain de la prière et de la charité. Il a un grand souci de respecter ses frères orthodoxes en particulier dans la ré-évangélisation des pays communistes (les orthodoxes se crispent sur la possible progression du catholicisme sur leurs territoires).
Plus loin que l'œcuménisme, il a instauré un dialogue inter religieux par les rencontres d'Assise, où des représentants de toutes les religions viennent prier pour la paix.
Plus loin que le dialogue, le pape marque des pas de réconciliation à l'occasion du jubilé de l'an 2000, par exemple lors de son voyage en Terre Sainte (mars 2000). La demande de pardon qu'il a déposé au mur des lamentations et la cérémonie à Yad Vashem (musée et mémoire de la Shoah à Jérusalem) sont des pas immenses vers la réconciliation. Lors de ce voyage, il parvient également à dire fermement la nécessité pour les palestiniens d'avoir une nation, tout en gardant un dialogue ouvert avec la communauté juive.
On retrouve ce souci de fêter dignement le 2000ème anniversaire de l'incarnation de Jésus-Christ dès ses premiers textes pontificaux. Il souhaite que ce jubilé voie un renouvellement de la foi trinitaire chez les chrétiens. Il insiste beaucoup sur cette foi trinitaire dans ses encycliques Redemptor hominis (1979) sur le Fils, Dives in misericordiae (1980) sur le Père, et Dominum et Vivificantem (1986) sur l'Esprit Saint.
Les maîtres mots du jubilé sont :
Après le succès du jubilé, il relance l'élan missionnaire par son encyclique à l'aube du troisième millénaire : il nous faut de nouveaux saints pour l'an 2000, il faut s'ancrer davantage dans la prière.
Aux JMJ 2002 à Toronto, le pape lance cet appel : le 21ème siècle qui commence aura été marqué par deux événements : le jubilé de l'an 2000 et son formidable élan de réconciliation et les attentats du 11 septembre 2001 : à vous de faire en sorte que le jubilé soit l'événement le plus marquant.
En premier lieu, il y a une pression constante sur l'opinion publique (via les médias) de groupes d'influence intra-église (progressisme= volonté d'adaptation absolue au monde, ex : journal golias) et extra-église (réseau Voltaire). La théologie de la libération lui mène la guerre en Amérique du sud.
L'affaire de l'intégrisme (ou Lefebvrisme) avec le refus de Mgr Lefebvre de reconnaître Vatican II et le sacre de 5 évêques hors de la communion de l'Église.
Son appel à une seconde évangélisation rencontre un refus de certains catholiques.
Son combat pour la morale conjugale est celui qui rencontre le plus d'hostilité, dans la droite ligne d'humanae vitae. Mais également sa défense (encyclique Veritatis Splendor : la mission du Fils et de l'Esprit doit faire son chemin dans les consciences, liberté et vérité sont liées) d'une morale qui ne repose pas que sur la raison mais sur l'ordre de la nature et la révélation de Jésus-Christ, Dieu fait chair.
Les JMJ (journées mondiales de la jeunesse) rassemblent tous les deux ans une foule enthousiaste depuis 1985. Les jeunes se sont rassemblés sur tous les continents : Compostelle, Czestochowa, Denver, Manille, Paris, Rome, Toronto. De plus en plus affaibli et diminué par la maladie, Jean Paul II ne perd pas le contact avec les jeunes et semble animé d'une énergie nouvelle en leur présence. Les jeunes continuent de se rassembler autour du vieil homme épuisé pour ce qu'il représente au delà des apparences.
En témoigne sa devise (Totus tuus) et la superbe encyclique qu'il lui consacre (redemptoris mater 1987) et la place qu'il lui accorde dans la préparation du jubile. Le pélerinage de foi de Marie est l'exemple de sainteté sur lequel s'appuie le Saint Père.
Jean Paul II ne fait pas que dénoncer la civilisation de mort qui découle de l'individualisme forcené, il annonce aussi une civilisation de l'amour.
Il veille en premier lieu à redonner son plein sens à l'amour humain en poursuivant l'œuvre commencée par Paul VI avec Humanae Vitae et en luttant contre ce qu'il appelle la mentalité contraceptive au point que ce discours occulte dans les médias tout ce qu'il peut dire d'autres. La civilisation de l'amour passe par une nouvelle évangélisation, mais aussi par la mise en lumière de nombreux témoins pour notre siècle d'où le nombre incroyable de béatifications (un millier) et de canonisations (environ 300) qu'il a proclamé.
L'avenir de l'humanité et du christianisme passe par la famille (Lettre aux familles).