La Compagnie de Jésus 
(les Jésuites)

Sa fondation par Ignace de Loyola, François Xavier, Les exercices spirituels et la spiritualité jésuite, Les missions jésuites, Les jésuites et la réforme, Les jésuites et la papauté, Le temps des épreuves

Sa fondation par Ignace de Loyola

Inigo de Loyola naît entre 1491 et 1493 d'une vieille famille basque. Jusqu'à 26 ans, il n'a que le souci des vanités (exploits galants et querelles). En 1521, il est blessé au siège de Pampelune (par l'armée de François Ier), sa jambe est brisée par un boulet, il subit trois opérations et reste longtemps alité avec pour seules lectures la vie du Christ et des saints.
Ignace peint par RubensUne fois guéri, il quitte tout pour la mendicité et l'aventure mystique. Chez les dominicains, à Manrèse, il fait une retraite d'un an très ascétique et très mystique. Mais, c'est au bord d'une rivière qu'il a la révélation qui sera le fondement de ses "exercices spirituels". En 1523, il fait un pèlerinage en mendiant à Rome et à Jérusalem. En rentrant, il a compris qu'il doit poursuivre des études pour aider les âmes. Mais ses exercices sont suspectés par l'inquisition (qui l'inquiétera à plusieurs reprises), il est arrêté, emprisonné et interdit de prêche jusqu'à ce qu'il ait fait encore 4 ans d'études : il part à Paris en 1528. Il partage une chambre avec Pierre Favre et Francisco de Jassu y Xavier qui deviendront co-fondateurs de la compagnie.
Il est bachelier en 1532, il signe sous le nom d'Ignatius de Loyola. Pour situer le contexte, 1530 est l'année de la confession d'Augsbourg de Luther, 1533 où il convertit François Xavier est l'année du schisme anglican et 1535 où il obtient sa maîtrise est l'année de l'exécution de Thomas More.
En 1534, ils sont sept à partager un mode de vie et un état d'esprit, ils prononcent des voeux (privés) qui les lient entre eux : pauvreté, chasteté, obéissance, et déjà une obéissance spéciale au pape. Cette année est marquée par l'affaire des placards : des affiches partout dans Paris qui attaquent la doctrine catholique.
Les compagnons se sont engagés à embarquer pour Jérusalem ou sinon à aller se présenter au pape. Le départ pour Jérusalem sera effectivement impossible et ils s'en remettent au pape Paul III (1534-1555) qui les envoie catéchiser les enfants de Rome. Leur réputation se répand et bientôt l'empereur Charles Quint les réclame pour ses colonies des Indes.
En 1538, une première règle est écrite avec déjà une visée apostolique ; elle est ratifiée par le pape qui demande l'élection d'un préposé général et la rédaction d'une constitution. En 1641, c'est Ignace qui est élu préposé général à son corps défendant, et 6 frères font profession : ils seront un milliers d'ici à sa mort.

François Xavier (1506-1552)

Un des premiers compagnons d'Ignace, il incarnera la vocation apostolique de la Compagnie avant même qu'elle soit dans ses statuts. En 1541, il embarque pour l'Inde où il baptise rapidement 40 000 indigènes sans même connaître leur langue et parfois sans interprète! (A cette époque, les missionnaires s'empressent de baptiser les païens pour les sauver des flammes de l'enfer!). Peu à peu, il découvre combien l'inculturation est importante (découverte essentielle qu'un Matthéo Ricci développera avec succès). En 1545, il est en Malaisie où il rédige cette fois un catéchisme en malais. En 1549, il embarque pour le Japon, où il crée un noyau solide de 2000 baptisés en trois ans. En 1552, il espère partir pour la Chine (fermée aux européens par décision de son empereur), et meurt d'épuisement sans l'atteindre.

François Xavier fut un prédicateur très écouté des plus pauvres mais aussi des princes. Il fut aussi l'homme qui se laissa modeler par l'Esprit Saint dans la solitude. Il ne s'épargnait rien pour répandre la bonne nouvelle. Son appel le brûlait tellement qu'il écrivit cette phrase restée célèbre : "J'ai très souvent eu envie d'aller dans les universités d'Europe en criant à pleine voix comme un homme qui a perdu le sens, de dire à ceux qui ont plus de science que d'amour ... que leur insouciance est cause qu'un grand nombre d'âmes se détournent du chemin de la gloire."

Les jésuites et l'enseignement :

En 1546, la nécessité de former les jeunes postulants les pousse à ouvrir un premier collège. En 1584, les jésuites auront 2000 étudiants dans leur collège de Rome ouvert en 1551. Ils se retrouvent poussés dans un apostolat qu'ils n'avaient pas du tout envisagé au point de départ. En 1500, ils dirigent 144 collèges pour seulement 55 maisons non enseignantes. L'université grégorienne a formé de nombreux papes contemporains (Léon XIII, Pie XI, Pie XII, Paul VI).

Les jésuites et la papauté

"Pensons que quiconque vit dans l'obéissance doit laisser la divine providence le mener et le diriger par le moyen du supérieur comme un cadavre qui se laisse mener n'importe où et traiter comme on veut". Cette phrase d'Ignace fut pour beaucoup dans le malentendu sur l'obéissance aveugle des jésuites. Ce qu'elle affirme c'est qu'il y a une part de mort dans toute obéissance mais le supérieur qui commande est bien sur aussi lié à la liberté de celui qu'il commande.

A la mort d'Ignace, les jésuites seront souvent persécutés en raison de leur obéissance absolue au pape. Parfois même par certains papes qui voudront leur imposer des charges comme Paul IV qui voulait leur imposer une liturgie et Sixte Quint qui voulait changer leur nom et leur constitution.

Les jésuites et la réforme

Les jésuites seront des artisans de la contre-réforme. Un personnage typique est Robert Bellarmin (1542-1621, évêque et docteur de l'Église). Professeur de théologie à l'université de Louvain, il attire par son érudition, son éloquence et ses dons de controversiste. Il joue un rôle décisif dans les milieux intellectuels européens dans la controverse avec les protestants. En 1586, il publie un livre de controverse point par point des thèses protestantes qui connaîtra 20 éditions de son vivant. Il sera le théologien des papes Clément VIII et Paul V. Il publie un grand et un petit catéchisme et c'est à son initiative que la traduction de la Bible dite Vulgate a été révisée.

Les missions jésuites

Dans le sillon de François Xavier, les jésuites connaîtront une grâce particulière pour l'évangélisation, avec un esprit d'inculturation très moderne.

Mattheo Ricci et Ruggieri évangélisent la Chine en pratiquant l'inculturation de l'évangile (1582-). Ils adoptent la langue chinoise et font des concessions aux cérémonies chinoises confucéennes, accomplissant un fabuleux travail missionnaire. Les dominicains et les franciscains protestent, déclenchant la Querelle des Rites. Cette vision très moderne de la mission sera condamnée en 1645 par le pape Innocent X, autorisée en 1656 par le pape Alexandre VII, pour être à nouveau condamnée en 1669 et définitivement en 1715 (confirmé en 1742) : les chinois apostasient en masse. L'autorisation des chrétiens chinois à participer aux rites civils ne sera donnée qu'en 1939(!) mais la Chine ne peut le pardonner. Cette erreur pèsera certainement beaucoup sur l'évangélisation du monde.

En Inde, Roberto de Nobili se fait Brahmane (-1656) et convertit des indous en respectant leur système de castes. Ils sera suivi par de nombreux missionnaires se coulant dans la caste des Pandaroms (pénitents) qui est la seule en contact avec toutes les couches sociales.

Au Paraguay, les jésuites rentrent en contact dès 1587 avec les indiens guaranis. Ils fondent des réductions qui sont des villes indiennes gouvernées par les jésuites selon des principes chrétiens (mais paternalistes). Les réductions ont des plans en damier, pratiquent l'élevage collectif, inventent la formation professionnelle et ont une vie réglée sur la liturgie. Mais en 1750, le Portugal veut conquérir ce territoire et lance une campagne de dénigrement. Les jésuites vont être expulsés du Portugal, puis d'Espagne et enfin du Paraguay (1768). Les réductions sont pillées.

En Amérique du Nord, les jésuites connaissent le martyre en essayant d'évangéliser les indiens. Eusèbe Kuno fonde une mission prospère en 1687 aux alentours de l'actuelle Tucson. Jean de Brébeuf s'inculture chez les hurons à partir de 1632, il sera atrocement martyrisé par les iroquois. Isaac Jogues, prisonnier des iroquois, et torturé saura les amadouer pour finalement être abattu en 1646.

Les épreuves des jésuites

Les jésuites subiront de douloureuses épreuves (en particulier des expulsions) qui se finiront souvent par de lents renversements.

Ainsi, en 1595, un attentat contre Henri IV par un élève des jésuites provoquera leur expulsion de France, mais en 1604, Henri IV abroge cette loi et leur confie le collège de la Flèche, prenant lui-même un confesseur jésuite (Coton). Louis XIII et Louis XIV auront également un confesseur jésuite.

En Angleterre, les jésuites resteront longtemps clandestins et parfois martyrisés (Edmund Campion torturé et exécuté en 1581).

En France, les jésuites s'opposent aux jansénistes sur la question de la grâce. Suite à une banqueroute en Martinique, le Parlement rend un acte de dissolution en 1762. En 1764, Louis XV déclare qu'ils n'existent plus en France. En 1769, les bourbons font pression pour l'élection d'un pape qui s'engage à supprimer la compagnie de Jésus. Clément XIV résiste jusqu'en 1773 où il signe un bref de dissolution. Le général Laurent Ricci finit ses jours en prison.

La compagnie ne subsiste qu'en Pologne et en Russie. Jusqu'en 1799, où le pape Pie VI donne son accord pour l'ouverture d'un noviciat en Italie. Pie VII veut rétablir la compagnie mais il est emprisonné par Napoléon. La compagnie est rétablie après l'abdication de Napoléon.

En France, on les accuse d'être royalistes sous la république et révolutionnaires sous la restauration. En 1828, ils sont expulsés de l'enseignement, brièvement expulsés de France en 1830, expulsés de Suisse de 1848 à 1973, à nouveau expulsés de l'enseignement en France par Jules Ferry en 1880 ainsi que d'autres ordres mais les jésuites seront les seuls à ne pas bénéficier de tolérance. En Espagne, ils sont tués, bannis, pourchassés 7 fois entre 1820 et 1936. En Allemagne, ils sont chassés en 1848, et exilés de 1872 à 1917. Leurs écoles seront fermées par les nazis en 1938.

Les exercices spirituels

Les exercices spirituels sont à la fois une méthode de prière contemplative et une méthode de discernement. La méthode de prière repose par exemple sur des temps de contemplation de la vie du Christ. Après avoir demandé la grâce de rentrer dans la prière, on se représente une scène de la vie de Jésus en essayant d'y être présent comme un des personnages puis on laisse la scène se dérouler devant soi. Les exercices durent idéalement 40 jours avec une progression dans les thèmes abordés au fur et à mesure de la session.

lien vers le site de la compagnie en France

4/6/01