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L’instruction, de l’empathie

un livre redoutable, à la fois sur le burnout, et sur la souffrance animale.

jeudi 23 février 2023

Ce livre est redoutable, à la fois sur le burnout, et sur la souffrance animale. Le lien entre les deux ? Dans sa quête de sens, la narratrice va tenter de suivre l’instruction d’un maître tibétain "imagine toi à la place d’un animal conduit à l’abattoir". Loin de l’éclairer, l’instruction va l’entraîner dans une enquête dévastatrice sur les élevages intensifs, et dans une spirale mortifère. Il y a des autofictions qui me laissent froid tant la vie du narrateur est banale, et il y a ce livre qui m’a pris aux tripes dès la première ligne.

De l’empathie et du burnout

Isabelle Sorente a de l’empathie, et lorsqu’elle fait un burnout, c’est comme une évidence quand elle découvre une "instruction" bouddhiste qui consiste à se mettre dans la peau d’un animal qui va à l’abattoir.

Merci déjà pour cette puissante description du burnout, le burnout d’une femme qui s’est imposé un rythme infernal parce qu’elle est freelance, et qu’en freelance, c’est dur de refuser les jobs qui entretiennent le réseau.

Merci aussi pour cette belle évocation des aspirations de l’écrivain. Il y a quelque chose de spirituel dans la description de ces années de jeunesse et la rencontre avec Grâce, la bien nommée.

Merci encore pour cette descente à l’abattoir et la rencontre de Cora (je préfère l’appeler Cora), la jeune truie qui a échangé un regard humain avec la narratrice. le regard de cette jeune truie ne me quitte pas même si je ne l’ai pas croisé moi-même.

Retrouver un lien sain avec les animaux

Merci aussi pour cette bénédiction aux animaux dont nous consommons la chair. Même si comme la narratrice, je tente de manger de moins en moins de chair animale, je découvre cette sobriété avec une plus grande paix qu’elle mais sa détresse me parle, elle a quelque chose d’universel, de la folie du monde industriel où des managers ont tenté de me deshumaniser pour me faire à leur image.

Merci pour cette honnêteté dans le pétage de plomb. Pour cette perte de sens, qui paradoxalement, redonne du sens au lecteur que je suis, heureux homme qui peut prendre le recul de lire, avec empathie certes, cette trajectoire douloureuse.

Une quête spirituelle dans un monde trop matérialiste pour offrir aucun recours

Merci pour la franchise de cette quête spirituelle qui finalement se révélera obscure et inachevée, en un sens. D’où vient la délivrance de cette instruction ? De la révélation que le maître tibétain n’était lui-même qu’un imposteur, un maître abusif ? De la psychothérapie avec un maître indien ? Cela m’a fait penser aux théories de Tobie Nathan sur l’ethnopsychiatrie. Et si l’auteur portait une blessure si étrangère à elle-même que seule une thérapie avec un psy venu d’une autre culture, plus humaniste, pouvait la ramener à la paix ?

Un livre d’une grande profondeur, un livre qui arrive à être spirituel, tout en restant toujours en deçà du spirituel, dans le concret, dans l’humain, comme une résistance au délire mystique, un pied sur terre... Un livre qui révèle le gouffre spirituel de notre civilisation, même quand on croit écouter un vieux sage bouddhiste, un gouffre spirituel tel que même une chroniqueuse dans un magazine de spiritualité peut se laisser dévorer.

Je pense en terminant ce livre à une autre autofiction sur quasiment le même sujet, la dépression, Yoga, et qui m’avait profondément déçu. L’instruction m’a touché, elle a réveillé en moi les douleurs de mon propre burnout, mais comme on passe un baume sur une plaie, comme une résolution.

Terminerons nous par une instruction, plus profonde et plus existentielle que celle du maître tibétain du livre ? Aime, aime de tout ton cœur, et n’arrête jamais de chercher le sens, de peur qu’il ne se dérobe à toi !!

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