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Le chant de la merveille du monde de Christian Ganachaud

samedi 1er juin 2019

(à ne pas mettre entre toutes les mains) Je n’ai pas pu décrocher du dernier livre de Christian Ganachaud, le chant de la merveille du monde, tellement cette lecture était prenante. C’est un roman-poésie écrit par un auteur maudit, à mi chemin entre Rimbaud et Christian Bobin. Là où Bobin contemple avec bonheur la transfiguration du monde, Ganachaud se coiffe gaillardement avec la couronne d’épines, et l’arbore fièrement comme un trophée. Il n’en est pas moins lumineux, mais d’une lumière sombre et âpre qui transperce et qui noie dans une eau croupie grouillante de vie. Ganachaud n’est pas masochiste, il traduit une force de vie qui veut se relever du caniveau pour déployer des ailes embrasées et s’envoler vers le ciel. Il est beaucoup question du ciel, ou du soleil, d’anges ou de diverses formes d’un souverain bien. Ceux ci sont mêlés aux affres et aux vicissitudes évoquées par le narrateur. le texte explore ainsi le mythe de l’échelle de Jacob, cette vision relatée dans la bible d’une échelle entre la terre et le ciel, parcourue par les anges, un rêve prophétique sur une future alliance entre Dieu et les hommes. Lire ce roman me fait l’impression de découvrir l’échelle de Jacob sous de différents angles, une échelle qui ne relierait pas que le ciel et la terre, mais aussi les enfers sous toutes leurs formes. La lie évoquée par Ganachaud se sublime par le procédé littéraire certes, mais aussi par la passion et l’aspiration aussi dévoyée soit-elle au sublime et à la redemption. Le narrateur se confond avec son roman, il se prétend libre et pourtant se défend sans cesse vis à vis d’un lecteur dont il tente incessamment de se distancier. Il est littéralement crucifié sur cette échelle de Jacob, cloué à une hauteur suffisante pour voir la boue d’ici bas avec recul, mais ses pieds de géant traînent encore dans la charogne, stoppé dans son élan vers le salut, tel un albatros baudelairien, il tente de déployer ses immenses ailes chargées de boue. C’est une expérience sublime que de tourner ces pages, et de découvrir chapitre après chapitre cet hymne, ce chant général d’un monde contemporain à l’agonie, étouffé dans son vomi, gorgé d’overdose et assoiffé de néant. Merci, merci !


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