Historique de la dévotion mariale

La place de Marie dans la dévotion populaire s'est précisée au cours des siècles. On retrouve des vestiges de Vierge à l'enfant sur des fresques du 3ème siècle au cimetière de Priscille à Rome. Les traces les plus anciennes de la fête de Noël remontent au quatrième siècle. Aussi bien en orient qu'en occident la fête de Noël a remplacé une fête païenne du soleil puisque le Christ est le seul soleil! St Augustin a beaucoup insisté sur le fait que l'on ne fêtait pas un événement historique mais avant tout une réalité spirituelle :

"Le Christ est né ; par son Père, il est dieu, et homme par sa mère ; né de l'immortalité de son Père et de la virginité de sa mère. Il est né de son père sans le concours d'une mère, et de sa mère sans celui d'un père. Né de son père sans le temps, de sa mère sans la semence ; de son Père, principe de vie, de sa mère, refuge de la mort ; de son Père afin de régler l'ordre des jours, de sa mère pour consacrer ces jours ci." St Augustin (sermon 194)

On voit déjà poindre dans ce texte les difficultés théologiques que soulève le fait que quelqu'un de l'ordre de la chair puisse concourir à la venue de quelqu'un de l'ordre de Dieu. Le fait que Marie puisse être "mère de Dieu", théotokos en grec, n'a pas tardé à poser question, surtout quand un évêque appelé Nestorius a développé une doctrine de la séparation des natures humaine et divine du christ. Il contestera face à Cyrille d'Alexandrie en 428 le terme de "mère de Dieu" qui ne se retrouve pas dans l'écriture, pour affirmer que Marie n'est mère que de l'humanité de Jésus. On voit par là que Dieu n'aurait pas pleinement épousé la chair. Le concile d'Éphèse (431) va lui donner tort. Ce titre de Mère de Dieu, c'est comme "un sceau authentifiant le dogme de l'Incarnation selon lequel le Verbe assume véritablement, dans l'unité de sa personne, la nature humaine sans l'abolir." (Jean Paul II dans l'introduction de l'encyclique Redemptoris mater).

Au concile de Chalcédoine (451), cette doctrine va être réaffirmée ainsi que le fait que le Christ réunisse deux natures en une même personne.

Les douzième et treizième siècles ont été des temps forts de la dévotion mariale. Marqués par des personnalités comme St Bernard :

"Ôtez ce soleil (le christ) qui éclaire notre monde temporel : fera-t-il encore jour? Ôtez Marie, cette étoile de la mer immense, que restera-t-il sinon la nuit profonde, l'ombre de la mort, les plus épaisses ténèbres?"

et Saint Dominique (13è siècle) auxquels la légende attribue la propagation du rosaire, qui fut ensuite mis en forme avec méditation des mystères du salut (15è siècle). Quel moyen plus simple de faire comprendre la vie du Christ que de la méditer sous le regard de Marie?

Au début du 18è siècle, c'est Louis-Marie Grignon de Montfort (voir site qui lui est consacré) (1673-1716) qui parcourt l'ouest de la France en chevalier de Marie : "C'est par Marie que je cherche et que je trouverai Jésus". On lui doit un traité de la dévotion à Marie, la fondation des pères montfortains et une fondation hospitalière, les filles de la sagesse.

Le XIXè siècle est une période faste pour la dévotion mariale puisque le thème de l'immaculée conception de Marie va être érigé en dogme de foi après une consultation des évêques du monde entier. Ce dogme est aujourd'hui encore fort mal compris. On croit à tort que l'immaculée conception se réfère à une sorte de péché sexuel alors qu'il se réfère au péché originel (qui lui non plus n'est pas d'ordre sexuel comme on le croit aussi fréquemment). Adam et Ève s'étant "révoltés" contre Dieu, sous l'influence du serpent, ont perdu cette relation de confiance avec leur créateur et on transmis à leur descendance un penchant pour le mal (que le baptême va abolir). C'est dans cet état de confiance originel que Marie a eu la grâce d'être restaurée. Cela ne supprime pas la tentation ni le pouvoir de dire non à Dieu. C'est l'état où se trouvaient Adam et Ève avant la faute. Précisons que si Marie a été préservée du péché originel, c'est comme nous par la mort de son Fils, par avance et en vue de sa maternité. C'est donc comme un effet "rétroactif": elle aussi a été sauvée par Jésus le Christ.

"Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur toute particulière du Dieu tout puissant, en vue des mérites de Jesus Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du pêché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu'ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles." Bulle "Ineffabilis Deus" de Pie X. (1854)

Le XIXè siècle est marqué en France tant par des périodes de féroce anticléricalisme (la terreur, la chute du troisième Empire, la commune) que par des moments de retour à Dieu (Charles X, gouvernement de Mac Mahon). On y dénombre 700 congrégations à caractère marial. Guillaume-Joseph Chaminade, fondateur des marianistes analyse la situation ainsi:

"Toutes les hérésies ont incliné le front devant la Sainte Vierge. Aujourd'hui, la grande hérésie régnante est l'indifférence religieuse... Nous les derniers de tous qui nous croyons appelés par Marie elle-même pour la seconder de tout notre pouvoir dans sa lutte contre la grande hérésie de notre époque nous avons pris pour devise ces mots de la Très Sainte Vierge à Cana "Faites tout ce qu'il vous dira".

Signe des temps ou réceptivité particulière? La France est marquée en ce XIXème siècle par de nombreuses apparitions qui sont aujourd'hui encore des lieux de pèlerinage, citons :

1830 Apparition à Catherine Labouré, rue du Bac à Paris, dite de la "médaille miraculeuse"

1846 Apparition à la Salette à deux enfants pauvres du Dauphinois

1858 Apparition à Lourdes à la petite Bernadette Soubirou, Marie s'y présente comme l'Immaculée Conception alors que le dogme a été proclamé il y a quatre ans et la connaissance n'en a pas atteint cette enfant des pyrénées. Lourdes deviendra un grand lieu de pèlerinage en raison des nombreuses guérisons attestées et du message qui promet en ce monde le bonheur de l'autre monde.

1871 Apparition à PontMain.

La place et le temps nous manquent pour détailler le message et les grâces propres à ces apparitions. 

le pape Léon XIII (connu pour son encyclique sociale Rerum Novarum) va consacrer pas moins de 10 publications à Marie.

"Nous avons à l'esprit l'exemple du Christ qui dans une prière à son Père lui demanda que ses disciples fussent uns dans la foi et la charité. Que sa très Sainte Mère ait fait, elle aussi, avec ferveur cette même prière, nous en avons une preuve célèbre entre toutes dans l'histoire apostolique. celle ci nous représente la première assemblée des apôtres implorant et attendant avec une grande confiance l'effusion promise de l'Esprit Saint et en même temps Marie priant au milieu d'eux. Tous persévéraient ensemble dans la prière avec Marie, Mère de Jésus... Que partout on redouble dans cette dévotion, en vue surtout d'obtenir l'unité de l'Église."

Le vingtième siècle sera marqué par de nouvelles étapes dont la proclamation du dogme de l'Assomption fêté depuis longtemps.

"L'Ecriture nous fait voir l'auguste Mère de Dieu très intimement unie à son fils Jesus et partageant toujours son sort. Il semble donc impossible de voir celle qui a conçu le christ, l'a enfanté, nourri de son lait, tenu dans ses bras, et sérré sur sa poitrine, séparée de lui après cett vie terrestre sinon d'âme, du moins de corps. Puisque notre Rédempteur est le fils de Marie, il ne pouvait pas, lui si parfaitement soumis à la loi divine, ne pas rendre honneur non seulement au Père éternel, mais aussi à sa bien aimée mère. Puisque donc il pouvait lui faire ce grand honneur de la préserver de la corruption de la mort, il faut croire qu'il l'a fait." Constitution "munificentissimus deus"de Pie XII (1950)

Le concile Vatican II va consacrer un chapitre de sa constitution sur l'Église "Lumen gentium" à Marie, Mère et figure de l'Eglise.

Jean-Paul II choisit pour devise "totus tuus" et parle de son amour pour Marie dans ses livres (il lui a consacré une encyclique "la mère du Rédempteur").

Un nombre considérable d'apparitions mariales sont recensées en cette fin de siècle, la plupart trop récentes pour que l'Église se soit prononcées. La plus connue est la série d'apparitions à Fatima au Portugal débutant le 13 mai 1917. Le message de la Vierge reste un appel à la conversion, à la pénitence, et une dévotion au coeur de Marie. Elle aurait également confié des secrets à l'intention du pape dont on pense qu'ils annonçaient l'avènement du communisme et du nazisme. L'Église appellera effectivement à prier spécialement pour la russie. Le troisième secret de Fatima, maintenu secret pendant longtemps et divulgué à l'occasion du jubilé concernerait les nombreux martyrs du 20ème siècle et l'attentat contre le pape Jean-Paul II.

Les plus récentes apparitions sont Medjugorje et Kibého, où Marie a demandé de prier pour que soient évités les terribles massacres que l'on a connu récemment en Yougoslavie et au Rwanda respectivement. Medjugorje est un des lieux d'apparition mariales les plus frappants de notre temps. C'est un petit village de Yougoslavie où la vierge est apparue à six enfants (le 24 juin 1981), maintenant adultes, et continue d'apparaître à certains d'entre eux. La Gospa (Notre Dame, en croate) leur donne des messages de conversion (foi, prière et jeûne), d'appel à la prière en famille, de mise en garde pour les périls qui menacent le monde. Les fruits de ces apparitions sont nombreux, à commencer par la réconciliation de deux villages ennemis, de nombreuses conversions et guérisons, le sacrement de réconciliation, les gens se réunissant chaque jour pour prier le rosaire à l'heure des apparitions, la naissance de groupes de prière dans le monde entier, suivant les instructions de Marie.

Medjugorje a connu un certain retentissement puisque la Vierge donne le 25 de chaque mois un message à l'intention du monde entier. Ces messages ainsi qu'une méditation les accompagnant sont disponibles sur ce serveur. Même si ces messages n'ajoutent rien à L'Évangile, ce sont des interpellations qui ne sont pas toujours inutiles pour rappeler l'essentiel.

A noter que le phénomène a été analysé scientifiquement. Notamment des électroencéphalogrammes ont été enregistrés pendant les apparitions pour vérifier une théorie du début du siècle (Charcot) selon laquelle l'extase serait une forme de crise d'hystérie. Les enregistrements ont montré une activité cérébrale parfaitement normale.

Au Rwanda, les évènements ont pris la tournure tragique que l'on sait, et les voyants eux-mêmes furent martyrisés. Ce lieu d'un massacre inhumain a été l'objet d'un appel incessant à la prière de la part de Marie. Mais qui a voulu l'entendre?

La place manque pour recenser les apparitions mariales (voir le livre du Père Laurentin), mais il est important de rappeler le nombre d'apparitions en Amérique du Sud, où la Vierge apparaît à des centaines de personnes à la fois, et dans de nombreux autres endroits du globe.

29/05/01